Sam Zaenker

Érotique dans un roman grand public ? Les limites.

Si vous écrivez, vous le savez : c’est LA question qui fait hésiter tous les auteurs à un moment ou à un autre. Peut-on se lancer sans retenue dans la description de scènes torrides ou doit-on plutôt se limiter à une suggestion subtile ? Les frontières sont-elles clairement définies ou limites floues et mouvantes selon les époques, les publics, voire les éditeurs ?

Le roman grand public est par essence un terrain délicat, et écrire des passages érotiques se résume à une danse permanente sur la corde raide entre audace littéraire et pudeur collective.

Mais justement, où placer le curseur pour ne pas tomber dans l’excès ou, au contraire, dans une pruderie frustrante ? Je vous donne quelques astuces !

1. Question d’équilibre : entre suggestion et explicite

Ce qui distingue une scène érotique réussie dans un roman grand public, c’est avant tout l’équilibre subtil entre suggestion et explicite. On aime ressentir le désir, l’émotion brute, l’intensité du moment… sans devoir basculer nécessairement dans le voyeurisme gratuit. Un baiser passionné peut être aussi brûlant qu’une description plus crue si les émotions qui y sont rattachées sont authentiques.

Alors c’est quoi, la clé ? Et bien, d’abord, rester fidèle à ses personnages, à leur authenticité et à leur logique interne. Si la scène sert leur évolution, la tension narrative ou l’intrigue, alors l’audace sera généralement acceptée (et même applaudie !).

2. Cohérence narrative : le contexte fait tout

Une scène érotique ne devrait jamais exister isolément. Le contexte narratif est primordial. L’érotisme dans un thriller psychologique, par exemple, ne se traitera pas de la même manière que dans une romance historique. Il faut ajuster le niveau de détails selon le genre littéraire et le public attendu. Un public habitué à une tension psychologique constante tolérera souvent mieux une certaine frontalité dans les descriptions, tant que cela renforce l’atmosphère oppressante ou la dynamique relationnelle entre les personnages.

3. Éviter la gratuité : chaque mot compte

En littérature grand public, l’érotisme n’est pas interdit, loin de là, mais la gratuité, elle, est à éviter autant que possible. Chaque mot devrait porter un sens, une intention claire. Une scène qui ne fait avancer ni le récit ni les personnages risque fort d’être perçue comme superflue, voire comme une tentative maladroite de choquer ou d’attirer l’attention. Et cela, votre lecteur le repère immédiatement.

4. La frontière du tabou : provocation ou audace littéraire ?

Le tabou fascine autant qu’il inquiète. Mais attention : toucher aux limites n’est pas anodin. Pour qu’une scène taboue fonctionne sans choquer inutilement, elle doit être intégrée avec finesse et justifiée par le récit. Le tabou doit être traité avec une extrême précaution, surtout dans un roman destiné à toucher le grand public.

5. Connaître et respecter ses lecteurs

Enfin, connaître son lectorat est fondamental. Une scène érotique osée dans un thriller psychologique pour adultes sera bien sûr accueillie différemment d’une scène similaire dans un roman grand public plus jeune ou familial. L’érotisme doit s’accorder au ton général du livre, au public ciblé, mais aussi à l’époque actuelle. Les sensibilités évoluent, et avec elles, les attentes des lecteurs.

En bref : oui à l’audace, mais intelligente !

La question n’est donc pas de savoir si on peut aller loin, mais plutôt comment y aller de manière intelligente et pertinente. Une bonne scène érotique dans un roman grand public ne doit pas forcément choque : elle captive, trouble, fascine… et surtout, elle raconte quelque chose d’essentiel sur les personnages ou l’histoire. C’est à cette condition que l’érotisme dépasse le simple cadre de la provocation pour devenir une véritable force narrative.

À très bientôt,

Votre Sam 🖋️

Photo de : Marvin Meyer