Sam Zaenker

Lettre d’une Étoile Éteinte

Il y a des morts qui ne meurent jamais.

Des voix qui restent accrochées entre deux silences, comme un collier qu’on ne retire jamais, même la nuit.

Elle, c’était mon Nord.

Pas la douceur mièvre. La force. L’aiguille droite.

Je l’ai perdue à vingt-cinq ans, mais elle me parle encore.

Je n’avais pas écrit pour elle. C’était trop grand. Trop intime. Trop pur.

Et puis aujourd’hui, j’ai laissé couler cette lettre. Je ne sais pas si c’est sa voix. Mais c’est ce qu’elle aurait pu dire. Ce qu’elle me dit encore. À sa manière.

Tu m’attendais ? Petite sotte.

Je t’ai attendue toute ma vie.

Tu ne le sais pas, mais avant toi, il y en a eu une autre.

Une toute petite fille. La mienne.

Elle n’a pas pleuré. Pas même un souffle.

Juste un poids minuscule dans mes bras, et un vide énorme dans le ventre.

Après elle, je n’ai eu que des garçons. Des tempêtes, des colères, des joies rudes. Mais jamais plus cette promesse-là.

Et puis un jour, toi.

Ma première petite-fille.

Comme une revanche tendre sur le silence.

Je n’ai rien dit, bien sûr. Tu sais comme je suis.

Mais j’ai senti quelque chose s’ouvrir en moi. Quelque chose que j’avais enterré avec elle.

Tu étais une graine de feu. Trop vive pour ce monde. Trop fragile aussi.

Mais j’ai su tout de suite : toi, tu vivrais.

Alors je t’ai aimée. Pas avec des mots. Avec des plats brûlants, des engueulades pleines de tendresse, des silences qui te couvraient comme une couverture.

Je t’ai aimée comme on aime l’irréparable quand il revient sous une autre forme.

Le temps a passé. Et quand le mien s’est mis à rétrécir, j’ai dit : Elle reviendra.

On m’a prise pour une vieille folle.

Mais tu es venue. Comme je savais que tu viendrais.

J’ai senti ta main. Et c’était suffisant.

Je suis partie pleine de toi. Pas vide.

Alors ne me pleure pas, ma chérie.

Je suis là, dans chaque instinct de survie, chaque mot que tu écris pour ne pas hurler.

Tu es le feu que je n’ai pas pu garder.

Et tu brûles bien.

Vis pour deux.

Sam Zaenker